Je sursaute. Me retourne. Et, surprise, j’écarquille les yeux en découvrant le jeune homme à l’origine de l’appel de mon nom.
Plusieurs choses surprenantes à tout cela ; déjà, c’est un mec. Non mais, comment se fait-il qu’un
mec connaisse mon nom ? Car oui, je m’appelle Jade. Coucou ! Et pour info, j’ai aussi quatorze ans et je suis en troisième. Rien d’anormal.
Bref, deuxième chose qui me choque ; ce n’est non seulement un garçon, mais aussi un lycéen. Qui a au moins un an de plus que moi. Waouh, quoi.
Et dernière chose, et sans doute la plus déroutante… ce mec, je le connais. C’est celui que je fréquentais le plus, l’année dernière. Celui qui m’avouait presque chaque jour son amour infini pour moi, qui ne pensait qu’à m’embrasser, qui s’agaçait – mais pas trop – quand je le repoussais… c’est mon ex.
Mon ex petit-copain qui était en quatrième avec moi, quand on sortait ensemble.
Et qui est maintenant en train de traîner avec des mecs qui ont un an de plus que lui. Et qui semblent bien le connaître…
Je vous explique ; je suis, depuis une quinzaine – voire plus – de minutes environ, assise par terre, en train de batailler avec mon satané portable démodé afin qu’il accepte de mettre une alarme correcte qui ne sonne pas en son muet, en attendant que mon fichu bus arrive pour que je puisse rentrer chez moi. Et depuis cinq minutes – voire plus, encore une fois – j’écoute une bande d’adolescents assise non loin de moi glousser, ricaner, comme si tout ce qui passait était aussi drôle que ça.
Mais moi, assise dehors alors qu’il fait froid, que je suis légèrement habillée et que le car arrive en retard – comme d’habitude, remarque –, je ne trouve rien de marrant.
Et encore moins le fait que mon ex traine avec ces mecs. Parce que ça me rappelle douloureusement ce qui s’est passé il y a presque cinq mois, maintenant.
Il s’est levé. Ses camarades l’observent, toujours avec ce sourire bidon et irritant sur les lèvres. Mais qu’est ce que je dois faire, moi ? Rien. En tout cas, c’est ce que je fais. Rien du tout. Je le regarde, étonnée, ne croyant ni mes yeux, ni mes oreilles.
Ni ma peau, lorsqu’il effleure doucement ma joue de ses longs doigts.
Je frissonne ;
Que dire d’autre ?
Non, ça va pas, je t’aime, je t’aime encore, j’ai envie de t’avoir près de moi, j’ai envie que tu reviennes, laisse-moi tout t’avouer…Ouais. Ou pas.
Je regarde, tentant de garder mon regard froid habituel sur moi, celui que j’aimais et que j’aime encore. Il est grand et beau. Normal, c’était mon petit ami. Son corps est musclé sans trop l’être, il fait de l’athlétisme – enfin, il en faisait, au collège. Il porte des vêtements à la mode, qui lui vont, même si ça me peine de l’avouer, extrêmement bien ; un gros pull avec le logo de puma en blanc sur la poitrine, ainsi qu’un long jean rempli de trous avec de la fausse peinture blanche et une chaîne autour de la taille qui fait figure de ceinture. Après il s’étonne que son jean lâche et dévoile la moitié de son caleçon… Qui est moche en plus. Il possede de courts cheveux blonds, quoiqu’on puisse les qualifier de noir, puisqu’ils sont tellement couverts de gel. Son visage est grand et long et tout simplement magnifique, et il a, en plus de ce sourire charmant, des yeux bleus laiteux comme ceux d’un ange.
Le petit ami parfait en look. Imaginez maintenant qu’un jour, il vous demande de sortir avec lui, comme ça, sans rien demander de bizarre en échange ? C’est une offre qu’on ne refuse pas.
« Super. Ça va la troisième ? »
Je lui lance un regard noir. Je ne comprends pas. Je suis bien trop choquée pour pouvoir répondre à cette question… ne le remarque-t-il pas ? Si, son air moquer le prouve. C’est juste qu’il s’en fiche carrément.
Argh. J’ai une folle envie de le tabasser…
Tiens, et si je le faisais ? Devant ses camarades, il serait bien embêté. D’ailleurs, ses nouveaux copains, je ne les aime pas. Je les ai sans doute tous déjà vus à un moment ou à un autre, vu toutes les fois où je suis venue ici attendre ce fichu car – qui n’est toujours pas arrivé – mais leur tête me revient pas du tout. La plupart sont moches à faire peur, franchement. L’un d’eux porte un T-shirt avec une jolie tête de mort qui doit réussir à faire tomber n’importe quelle fille… enfin, évanouir d’horreur. Celui qui semble le plus âgé, sans doute un redoublant, porte des vêtements de sport. Mais même si ça, je peux comprendre, je ne vois vraiment pas comment il peut faire pour s’asseoir sur un skateboard et jouer avec son ballon de basket au même temps. Je suis désolée, mais y’a sportif et y’a ridicule. Inutile de préciser dans quel sens ce ringard bouscule… un troisième mec dans la bande est sans doute guitariste ; je devine puisqu’il a les cheveux en pétard, comme ces rock stars que j’ai toujours pensés psychopathes, ainsi qu’une chaine autour du cou et des bracelets noirs couverts de piquants en métal autour des poignets. Et des pieds, ce qui fait ressortir très laidement ses horribles chaussures violettes. Oui, j’ai bien dit
violette. Comme crime contre la mode, on peut difficilement faire mieux, vous êtes d’accord ?
Si la réponse est non, allez vous faire pendre.
Le dernier, ce fameux quatrième que vous attendez sans doute depuis le début en pensant que ça va être le plus laid de tous, lui, semble le plus normal de la bande. Bien sûr, il est terriblement moche, couvert de boutons avec des lunettes qui recouvrent heureusement cet abominable visage… mais au moins, lui, non comme le troisième qui en a à la lèvre et au sourcil droit, en plus de son oreille gauche, il n’a pas de piercing cocasse ! Moi-même, une fille qui n’est pas considérée comme « laide », n’ai pas les oreilles percées. Alors un mec avec des trous partout, je suis désolée, mais… y’a des limites à tout.
Donc, je disais, le petit intello que j’ai gardé pour la fin semble le plus normal, le plus gentil et surtout le plus faible du groupe. Sans doute celui qui traîne avec eux par force pour faire leurs devoirs.
J’ai tout de suite pitié pour lui. Ça me rappelle quand…
« Tu as gardé cette habitude de plonger dans le vide et d’ignorer les gens, à ce que je vois. »
Il n’a pas tort. Je me retourne vers